En ce mois des parfums, sans hâte,
Sèches sous la lourde chaleur,
Mi-bijou mi-arme, les chattes
Distribuent la mort sous les fleurs.
Le jardin mute en territoire.
Elles en prennent les oiseaux
Musiciens et dorment le soir
Sur l’herbe nouvelle, en cerceau,
Elles s’y tracent des empires
Sans peur ni colère, prudemment
Les parcourent mais ne respirent
Qu’à peine pour écouter les chants.
Ni projet ni espoir sous l’angle
De Juin ne pourront tenir,
Les moindres chattes dans leur jungle
Sont des tigres en devenir.
Prière de ne pas déranger
Je ne veux pas d’or, pas de livres,
Pas de bijoux quand il faudra
Plier bagage, partir vivre
Ailleurs en laissant tous mes chats,
Ni de cérémonie hautaine,
Musique et suisses à l’avant,
Comme on en fait aux capitaines,
Aux personnages importants.
M’irait bien une caisse austère,
Je revendique du bois blanc
Avec, j’insiste et réitère,
Aucune richesse dedans.
Si cela causait peu d’ennuis
Cependant, je souhaiterais
Que l’on prévienne mes amis
Quand le temps s’en présenterait
Et sans déranger, en semaine,
Qu’ils déposent entre mes bras
La vieille chatte européenne
Qui un jour mourra, après moi.
Métempsycose
Dans mon jardin,
Sous le sorbier
Toutes mes chattes
Sont enterrées :
Minette-douce,
Chéchette-amour,
D’autres qui douce-
-ment chaque jour
Partent à patte,
Mais sans bouger,
Vers leur destin
De fleurs des prés.
Rêve de chat
J’ai renoncé à savoir, je n’espère
Plus qu’on découvre d’où vient la terre
Ni les comètes, sur leur erre
Lancées traversant l’univers,
Je veux dire d’où vient la matière,
L’eau des ruisseaux, le feu, la pierre,
Le problème n’est pas d’horaire
De train, de chemin de fer.
Pareillement m’indiffère
De rouler une vie entière
Vers un vide, une misère
Définitives – et par là le sort de mes frères,
Des certitudes de nos pères –
Que soit sauvée notre atmosphère,
Qu’il y ait un ciel et un enfer.
A présent la grande question, l’affaire
Me tenant éveillé lorsque à travers
Mes volets siffle le vent d’hiver,
Plus que l’avenir de la sphère
Bleue, navigant entre les étoiles,
C’est deviner pour l’écrire en vers
A quoi rêve la chatte aux yeux verts
Qui dort sur mon pull-over…