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A tous les bleus
Je préfère un quelconque jaune
Et tu t'étonnes,
Plutôt qu'avoir un chapeau bleu,
Que j'aime mieux
Ne pas avoir de chapeau jaune.

Dans l'arrière-pays

Dans le morne arrière-pays
Les quinquagénaires s'ennuient
Au long soleil qui protubère
Bien peu mystérieusement,
Dans l'air trop pur, trop vif, trop blanc,
Des moeurs que la ville génère.

Le quinquagénaire en destin
Non estampillé clandestin,
Révulsé par la vie rustique
Veut partir vite, maintenant,
Au cercle asiate attenant
Au Japon d'estampes lubriques.

Il rêve ailleurs, moins ciel que bouches,
Contestables butins, et louches,
Certaines joies, depuis le bourg
Encombré de vaches qui meuglent,
De tripots et d'hôtels aveugles,
De putains battant le tambour.

Dire

Je sais, dire aux enfants tout, tout est dérisoire
paraît exclu... tant le beau que le bien, le mal,
l'amour, l'histoire,
l'argent mat par lingots ou la gemme qui brille,
ces gracieux papillons en couleur de la ville...
dire, normal !
ayant inventé Dieu dans ce but - resigner -
si l'homme indifférent ne nous semble pas sage,
mais résigné.

Passeront-ils les jours, pourchasseurs de nuages,
à chercher le verger aux fruits d'or et sans rides,
aux Hespérides ?
Faut-il leur dire ? on a, pour être, le seul temps
réduit où notre vie bat ce solstice ardent
de dix-huit ans.

Les plateaux

Comme hier suivrai-je, demain,
En altitude les chemins
Où de simples chapelles blanches
Bornent les plateaux sans humains ?

Loin des parois, des avalanches,
Ces essarts furent cultivés.
Affranchi de crainte je vais
Réchauffer mon dos au mur, tiède

Par le don du soleil levé.
Et là, mécréant qui n'accède
Jamais au mystère vivant,
Eveillé je me vois, souvent,

Pour longtemps contre la chapelle
Face au midi. Aucun auvent,
Aucune pierre ne rappelle
Ici dort un privilégié ;

Un if, peut-être. Non taillé.
L'été, les brebis et les ânes
Des troupeaux broutent à mes pieds
La pousse pointue des gentianes.

Palu

En Afrique sévit une fièvre, native
Le soir, il se peut bien, du simple océan chaud
Et des forêts. Elle vous courbe, son couteau
Sur les palmes vous tient, couche approximative

Où l'entrechoc touffu de rêves vous captive :
Fleurs, sources, clémentes filles. La mer a beau
S'exprimer à deux pas il bat dans le cerveau
Autrement de marées en gerbes narratives.

Au galop de velours de fébriles tambours
Le temps délire : où va la nuit ? d'où vient le jour ?
Chevaux blancs. Cheveux lourds, ces femmes vous invitent

Mais, l'amie qui vous veille ayant dit ce n'est rien,
Les montures du songe ont remisé trop vite.
Vous ne chevauchez plus le vent paludéen.

...

Anne-Marie eut un chaton.
Ont doit dire qu'elle et Raymond,
L'ayant nourri de bon lolo,
Le baptisèrent Diabolo.

Tournait-il, tel cette machine
Ronflant sur une soie de Chine ?
Ou prenait-il, petit démon,
Dans chaque bassin un poisson,
L'oeil frisant comme la boisson
Pétillante à la grenadine ?

Dans les îles

Quitte à mécontenter l'avant, l'arrière-garde,
Ce poème, dis-moi, lorsque je serai prêt
Comment l'articuler ? Ma technique retarde...
L'alexandrin, je crois, marque un certain retrait ?

Va ! Sors de ton esprit chaque image aléoute,
Tout poème obsolète ou livre, même atlas,
Vole en errances amicales
Aux nuances subtropicales,
De part et d'autre de l'Afrique
Cherche l'île à chèche ou madras.
Vers les archipels prends la route.
Le reste se résoud, affaire de musique.

Quoiqu'un peu éventés, le corail puis la perle
Trame aux peaux de soleil des bijoux astucieux
Que ne portent pas les enfants
Lavés d'écume d'océans.
La glace, en sa danse brownienne,
Captive et délasse tes yeux
Dans maintes boissons où déferle
Sous l'alcool la saveur atlantique, l'indienne.

La maison de parpaing aproxime la plage,
Une brise en a chassé les mouches. Tu dors,
Une femme du cru vaque aux soins du ménage.
Ses cheveux sont tenus par un lourd peigne d'or.

La mort est une copine

Ma mort est jaune, aux ailes bleues
Tendues de stries fuligineuses,
D'inextricable et nébuleux
Lacis, par zones vénéneuses.

La purulence coule opaque
Des yeux, ce songe me l'a dit,
Une prunelle orange y vaque,
Roule en vieux soleil affadi.

Ses os cliquent quand elle avance,
Même claquent, dans le hanchier,
Pour calque elle fit des avances
Au gothique Ligier Richier

Lorsque, enfin, il eut besoin d'elle,
Creuse des reins et du talon,
Conçut une garde fidèle
A veiller René de Chalon.

Mais son aspect terrible ment.
Comme une soeur, comme une mère
Elle gomme tous nos tourments
Et nous défait de nos chimères.

L'interrogation

Si notre corps
Après la mort
Hantait expressément la lande,
Mi-spectre mi-poisson
Bourlinguait sur les fonds
Du Golfe de Finlande
Pailleté de plancton lumineux,

Apte à bondir,
A rebondir
S'il attendait l'heure dernière
De cette vieille terre
Dans un chic entrepôt
Dispensant du repos
Vous ne seriez pas, non, malheureux,

Mon Prince ! Mais
Si vous aimez
La vérité le fossoyeur
Voyez, exigez bien
Qu'il la dise et d'ailleurs
En avez-vous besoin ?
vous savez, ce que le corps devient.

...

Un brin de culture
Cache la bassesse
De notre nature.
Pour se protéger ?
n'avoir pas de cesse
Qu'on lise A, B, C.
Fini le scandale
De l'âme abaissée,
J'en vois, dans la salle,
Qui sont soulagés.

Alain Balussou


 

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